Trempage du foin : ne vous prenez plus la tête !

Le trempage du foin est une pratique réalisée dans la plupart des écuries mais le temps de trempage fait souvent débat : “20 minutes” préconisent certains alors que d’autres vous diront : “plusieurs heures sont nécessaires”. Nous vous proposons dans la suite un éclairage sur ce procédé, en fonction des usages qu’il peut y avoir.

Une écurie, c’est poussiéreux

Saviez-vous qu’une écurie compte en moyenne 3 000 particules respirables par mL d’air ? Cela représente près de 12 millions de particules par inspiration pour un cheval ayant un volume respiratoire de 4L. Les poussières (particules de terre, sable, bactéries, levures, spores fongiques, résidus de plantes, fragments d’insectes etc.) présentes dans une écurie sont susceptibles d’obstruer les voies respiratoires jusqu’aux alvéoles des poumons. Or l’appareil respiratoire du cheval est fortement sollicité lors d’efforts physiques, d’autant plus pour le cheval athlète. Cela n’est pas sans conséquences sur ses performances et à terme sa santé. Pensez-vous qu’Usain Bolt aurait eu les mêmes résultats aux JO en vivant dans une écurie ?

Le trempage, à quoi ça sert ?

Historiquement, on attribue au trempage du foin deux vertus assez antagonistes :

  • lutte contre les problèmes respiratoires, notamment l’emphysème, car le trempage élimine les poussières contenues dans le foin
  • lutte contre le surpoids et l’obésité car le trempage élimine aussi des nutriments d’où une perte en sucres efficace pour faire faire un régime à son cheval

En immergeant le foin dans une grande quantité d’eau, les particules respirables (<5µm), amassées lors de la coupe, du séchage ou du stockage, sont entraînées par percolation dans l’eau de trempage (même principe que la lente traversée de l’eau à travers les grains moulus dans une cafetière).
Les parois des cellules végétales sont endommagées et ne régulent plus l’entrée d’eau. Le contenu cellulaire soluble est donc entraîné dans l’eau par lessivage sur le même principe que le thé. Il peut s’agir de sucres solubles, appelés hydrates de carbone, de protéines, d’éléments minéraux etc.

Quel temps de trempage ?

Chevaux emphysémateux

Il convient de connaître la qualité initiale de son fourrage car tous les foins ne se valent pas, ainsi les pertes nutritionnelles ne sont pas équivalentes. Cependant, de manière générale, il faut entre 5 et 30 minutes de trempage pour éliminer environ 95% des particules respirables et il faut attendre 24h pour en éliminer 99%  [1] [2]. Pour des chevaux emphysémateux, le but du trempage est d’éliminer les poussières, inutile donc de laisser tremper le foin plus longtemps, il subirait des pertes nutritionnelles délétères pour le cheval.

Chevaux en surpoids ou obèses

En effet, étendre la période de trempage à 12h cause des pertes de l’ordre de 2 à 4% en sucres et 1,5 à 2% en protéines [2]. D’autres études chiffrent ces pertes jusqu’à 54% en sucres et 15% en protéines. Pour des chevaux en surpoids ou obèses, la distribution de foin trempé pendant plusieurs heures (entre deux repas par exemple) est donc une solution pour les mettre au régime. Bien qu’il s’agisse d’une maladie rare, certains d’entre eux sont atteints du Syndrome Métabolique Equin (SME) (se caractérisant par une prise de poids, une augmentation permanente et anormale des taux de glucose et d’insuline dans le sang ainsi qu’une prédisposition aux fourbures). Pour ces chevaux, le foin trempé présente également un avantage : il permet une augmentation plus faible des taux de glycémie et d’insulinémie que du foin non trempé ou de l’enrubanné [3].

Chevaux souffrant de myosites

Lorsqu’un cheval est atteint de myosites chroniques comme la RER (Myopathie Récurrente à l’Exercice) ou PSSM (Myosite par Surcharge en Polysaccharides), il convient de diminuer l’apport de sucres et d’amidon par l’alimentation au profit des lipides. Le trempage du foin n’est indiqué qu’en cas d’urgence à la découverte de la maladie car une diminution suffisante de la concentration en fructanes est difficile à atteindre. De plus, le trempage peut entraîner d’autres problèmes comme la perte en éléments minéraux ou le développement des bactéries.  Le meilleur moyen reste de choisir un foin avec au moins 50% de graminées épiées ce qui signifie que les fructanes ont été utilisé pour l’épiaison [4].

Et le traitement à la vapeur ?

Le traitement du foin par la vapeur présente les bénéfices du trempage sans la perte nutritionnelle associée. Cette nouvelle technologie permet de réduire les particules respirables de 98% sans altérer la qualité nutritionnelle du fourrage, elle permet de réaliser des économies d’eau et ne rejette pas de polluant dans l’environnement (contrairement à l’eau de trempage). Cette technique reste cependant  coûteuse : entre 3,10 € et 3,90 € par jour pour un cheval de 500kg nourri avec 10kg de foin [1].

Précautions particulières à prendre

Bien que le trempage du foin apporte des solutions, il ne faut pas oublier qu’une bonne hygiène des écuries, une ventilation adéquate et un contrôle régulier des poussières restent les principaux comportements à tenir pour éviter les atteintes pulmonaires ou garantir l’efficacité des traitements des affections pulmonaires quelque qu’elles soient [5] [6]. De bonnes pratiques sont également à respecter comme ne pas humecter ou égoutter le foin dans le box du cheval car les bactéries et champignons éliminés avec l’eau risqueraient d’ensemencer la litière [5]. Enfin, il est primordial de s’assurer de la qualité du foin de départ et être conscient de l’hétérogénéité de la parcelle ou balle de foin d’où l’importance des analyses de fourrages (UFC/MADC, minéraux : au moins Ca, P, Cu et Zn). Pour juger de la qualité d’un foin, de nombreux facteurs sont à prendre en compte : le type de végétation, le sol de la parcelle, le degré de maturité au moment de la coupe ou encore la qualité du séchage et du stockage.

Le temps de trempage du foin dépend du type de cheval auquel le fourrage est destiné. Si le but est d’en éliminer les poussières pour un cheval souffrant de problèmes respiratoires, 10 minutes suffisent. Des heures de trempage seraient inutiles voire risquées du point de vue nutritionnel. Au contraire, si le but est de mettre votre cheval au régime, mieux vaut privilégier le trempage entre deux repas pour assurer un maximum de pertes en sucres et en protéines.

Bibliographie :

[1] Blackman M., Moore-Coyler M.J.S., 1998. Hay for horses: the effects of three different wetting treatments on dust and nutrient content. Animal Science 66: 745-750.

[2] Warr E., Petch J., 1992. Effects of soaking hay on its nutritional quality. Equine Veterinary Education 5: 169-171.

[3] Carslake H.B., McG. Argo C., Pinchbeck G.L., Dugdale A.H.A., McGowan C.M., 2018. Insulinaemic and glycaemic responses to three forages in ponies.  The Veterinary Journal 235: 83-89.

[4] Kaeffer C., 2018. Alimenter un cheval PSSM: 1. Le fourrage. Publié le 10 mai 2018 sur le blog “Techniques d’élevge” et consulté le 29.04.2019. http://www.techniquesdelevage.fr/2018/05/alimenter-un-cheval-pssm-1.le-fourrage.html

[5] Clarke A.F., 1987. Air hygiene and equine respiratory disease. In Practice 9(6): 196-204.

[6] Vandeput S., Lekeux P., 1996. Intérêt de l’ensilage d’herbe préfanée dans la prévention et le traitement des maladies pulmonaires d’origine allergique chez le cheval. Document Institut du Cheval 22e journée d’étude p44-52.